Introduction

dimanche 6 février 2011
par  Jean-Pascal SIMON

Pour proposer, si ce n’est quelque réponse du moins des principes de « bons usages » de ce terme (adjectif et nom) afin de ne pas l’utiliser dans tous les sens si bien qu’au fond il n’en n’a plus aucun ... je refuse d’accoler l’adjectif didactique à tout ce qui à trait à l’activité de l’enseignant (ou du formateur) face à des apprenants alors que l’on a l’adjectif « pédagogique » qui convient et que l’on a utilisé pendant des années. Le pédagogue est étymologiquement celui qui chemine avec l’élève sur le chemin du savoir .... Pour ce qui est de l’existence de didactiques « générale » et « spécifique », je pense qu’un débat visant prouver l’existence de l’une ou de l’autre (ou encore des deux) est vain et inutile. Le découpage des champs disciplinaires est rarement base sur des faits scientifiques mais le plus souvent résulte du contexte socio-historique. Il convient donc de développer (comme cela se fait depuis quelques années) des rencontres entre les didacticiens des différentes disciplines pour voir en quoi certains concepts sont transversaux et en quoi d’autres peuvent (ou doivent) être adaptés d’un champ disciplinaire à un autre.

Aujourd’hui, force est de constater qu’il y a au moins trois domaines où la didactique est convoquée : le monde de la recherche, celui de la formation universitaire, et celui de la formation professionnelle des enseignants. On peut donc convenir que la didactique du français existe au moins sous trois formes : la recherche, l’enseignement (les savoirs construits par cette recherche peuvent être des objets d’enseignement), et la formation professionnelle si l’on estime que les démarches de recherche (corpus travaillés, méthodes d’observation et d’analyse) peuvent être des outil pour la formation des enseignants. Dans chacun de ces domaines, la pertinence des choix sera fonction du but visé : 

- en recherche produire des savoirs mais aussi des démarches et des savoir-faire nouveaux pour les classe car la recherche doit avoir des retombées sociales, surtout dans ce domaine ...

- dans l’enseignement : transmettre un champ de connaissances et une formation aux méthodes de la recherche

- en formation professionnelle contribuer à la formation des enseignants, théorique mais aussi pratique. 

La didactique comme un domaine de recherche

 

La didactique comme discipline de recherche peut se donner comme objet d’étude les procédures d’enseignement ou d’apprentissage dans une perspective descriptive elle produira alors des savoirs nouveaux sur les mécanismes d’enseignement-apprentissage. Elle est davantage prescriptive quand il s’agit de recherches visant à établir quelles sont les démarches d’enseignement les plus pertinentes et efficaces. Comme dans toute recherche, le chercheur en didactique doit faire des choix entre les diverses méthodes de recherche :

- expérimentale, se posera alors la question de la reproductibilité des conditions dans le contexte scolaire

- inductive, il faudra alors se demander comment on pourra déterminer les causes des effets observés

- … 

Des finalités socialement inscrites comme la lutte contre l’échec scolaire et l’implication des chercheurs par rapport au terrain a conduit à développer ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui recherche-action et recherche-développement qui développent dans la dynamique de la classe et avec les enseignants. Il ne s’agit là que de quelques éléments illustrant ce que peut recouvrir la didactique envisagée comme un domaine de recherche. Les modélisations sont nombreuses, on en trouve un certain nombre dans Chiss, David & Reuter (1995).

La didactique comme une discipline d’enseignement

Entrant dans les cursus universitaires et principalement par les modules de pré-professionnalisation la didactique est devenu depuis une dizaine d’année l’objet d’U.V. (unités de valeurs) dans les cursus universitaire. On enseigne donc aujourd’hui la didactique du français aux étudiants qui se destinent à l’enseignement. Il serait intéressant de faire une enquête pour déterminer la nature des savoirs convoqués. Il y a fort à parier qu’ils sont fortement empreints des matrices disciplinaires où ils sont convoqués. Ainsi, dans une faculté de littérature, on peut penser que les modèles d’analyse littéraire sont devenus peu ou prou des objets didactiques, et que dans les facultés de linguistique ce sont les théories linguistiques qui ont été l’objet d’une même appropriation. Pour s’en convaincre il suffit de se reporter aux manuels scolaires, aux guides pédagogiques, … qui relaient ces pratiques de didactisation de savoirs qui n’ont pas été conçus dans le champ de la DFLM. Cela s’explique du fait qu’il n’y a pas, à ma connaissances de concepts « propres » qui aient été développés en DFLM comme cela s’est passé en didactique des disciplines scientifiques. Ces dernières ont posé les concepts de « transposition », « milieu », « contrat didactique » … qui n’ont que très peu été repris ou discutés en DFLM.

La didactique du français comme discipline d’enseignement reste donc largement à définir, en terme d’objets de savoirs à enseigner, objectifs, et démarches.

La didactique comme un outil de formation professionnelle

La didactique en formation professionnelle est aujourd’hui un élément des plans de formation. Cependant, s’il est souhaitable que l’enseignant se fasse didacticien, et fasse de la didactique comme le conseillait J.-F. Halté (1992 p.123), il faut aussi qu’il sache où et quand cela peut se faire. En effet, il serait dangereux d’oublier que :

- les enseignant sont dans leur classes pour enseigner et quand il fait cours dans sa salle de classe n’est pas un didacticien,

- les futurs enseignants sont dans les instituts pour se former au métier d’enseignant, non pour devenir des chercheurs en didactiques.

 

Une fois cela rappelé il faut définir les modalités selon lesquelles la didactique peut être un outil de formation professionnelle. Les savoirs, didactiques peuvent trouver un sens et une pertinence en formation s’ils permettent à l’enseignant d’être plus efficace dans ses gestes professionnels. On peut ainsi mobiliser des savoirs qui aideront à mieux comprendre ce qui se joue dans les échanges oraux en classe. Ces savoirs se seront pas mobilisés pour eux même mais devront prendre en compte les spécificités des échanges langagiers de la classe qui, comme le rappellent D. Brixhe et A. Specogna (1999, p.9), ne sont pas simplement des actes de dire ou de vouloir dire, mais des formes d’interactions sociales. La sélection du champ théorique se fera selon des critères de pertinences qui lui sont externes, qui in fine permettront de mieux comprendre les processus d’enseignement apprentissage plus que les phénomènes d’échanges langagiers. La connaissances de ces outils, leur mise en fonctionnement sur des situations de classes, vécues, recueilles au moyen d’enregistrement vidée, analysée rendront l’enseignant encore plus (et mieux) capable de gérer les échanges langagiers dans la classe et des es utiliser à des fins d’enseignement apprentissage.

 

On peut classer ces « gestes » en fonction du lieu où ils vont intervenir : certains sont effectués dans la classe, d’autres le sont hors de la classe, avant ou après une séance d’enseignement. Pour en faire une rapide classification on considèrera qu’il y a des geste « en situation » comme la gestion et conduite de la classe, qu’il en est d’autres « hors situation » comme l’évaluation des travaux d’élèves ; sur un autre axe il est des gestes où l’enseignant est fortement « impliqué », comme quand il guide la résolution collective d’un problème, d’autres où il est plus faiblement impliqué quand il observe les processus de résolution de problèmes d’un groupe d’élèves.

Des limites floues

Les limites entre ces trois domaines ne sont pas étanches, ainsi la recherche en didactique peut être un élément de la formation professionnelle des enseignants. Certain d’entre eux voient l’inscription dans un master comme une occasion de formation continue. De même, entre discipline d’enseignement et outil de formation professionnelle... Il s’agit donc plutôt de trois pôles d’un continuum qui permettent de situer les choses. 

Et larges ...

Cherchant à définir le champ de la didactique, les didacticiens des disciplines scientifiques ont proposé une modélisation de celui-ci en prenant trois éléments qui apparaissaient alors être les clés de voûte du champ : le savoir, l’élève et l’enseignant. Ils définissaient par là même l’objet central du champ, l’étude dans la classe :

- de la présentation des savoirs par l’enseignant ;

- de leur réception - intégration par les élèves.

Le modèle du triangle didactique, en proposant une modélisation relativement simple des situations d’enseignement - apprentissage, a eu une vertu heuristique et a permis de faire émerger des notions comme celles de « contrat didactique » et de « milieu ». Conscient l’importance de ce dernier aspect on a été conduit à présenter parfois la situation didactique sous la forme d’un tétraèdre (voir image 1).

 
 

L’objet d’enseignement en didactique du français est une pratique sociale plus qu’à un savoir « savant », concourent à cet enseignement, un ensemble de disciplines. La didactique du français que ce soit comme domaine de recherche, objet d’enseignement ou outil de formation professionnelle emprunte des concepts aux sciences du langage, mais aussi à la sociologie, la psychologie etc. Elle est donc à concevoir comme un carrefour de multiples points de vue4. C’est ainsi que l’on pourrait parler, si ce n’était redondant à nos yeux, d’une socio-didactique qui s’organise de la façon suivante (voir image 2).

 
 

C’est dans ce contexte que nous allons aborder la question de la didactique de la production d’écrit. Les savoirs et les concepts que nous allons convoquer ne seront pas toujours « propres » à la didactique, mais participeront à cette didactique qui est ici un objet d’enseignement puis de recherches. Dans un premier temps nous allons nous pencher sur l’objet même : l’écrit et le situer par rapport à une autre modalité de la langue qu’est l’oral.