Verbe

mercredi 16 mars 2011
par  Jean-Pascal SIMON

En grammaire française, on donne au verbe a une place importante. Ainsi, on considère qu’une phrase « normale » comporte un verbe conjugué. Souvent on considère qu’ « il est le nœud de la phrase. » on dit même que « sans lui, il n’y a pas de phrase. » En donnant cette place « centrale » au verbe, c’est oublier que d’autres langues du monde, fonctionnent selon d’autres critères, beaucoup de langue font un grand usage de phrase nominales :

* en arabe : Hâda kitab →ceci live / Ceci est un livre.

* en russe : dom nov → la maison neuve / La maison est neuve.

* en turc : Ben, öğrenci.→ Moi, étudiant / « Je suis étudiant(e).

* en anglais : the sooner, the better → le plus tôt, le meilleur / Le plus tôt sera le mieux. 

En outre, la place importante que nous donnons à la phrase verbale ne doit pas nous faire oublier que la phrase nominale est très utilisée en français dans le langage courant. On la trouve dans les énoncés interrogatifs par exemple : Quel séisme ? exclamatifs : Quelle histoire !, Sympa ce type ! dans les les slogans : « soldes sur l’ensemble du magasin », dans les titres : « Le voyage de Gulliver », « Le nom des gens » … et dans des énoncés plus longs comme : « Sur ces entrefaites, arrivée des gendarmes et folle poursuite dans les rues de la ville. »

Tout cela pour rappeler la place particulière que l’on donne à une des parties du discours qui est souvent ressentie comme problématique, ce qui conduit à des formulations problématiques du type : « Une phrase avec un verbe à l’infinitif est une phrase non-verbale mais pas une phrase nominale. » … mais alors dans ce cas, est-ce que le verbe à l’infinitif est encore un verbe ?

Quelques définitions généralement proposées :

  1. Le verbe exprime soit une action faite ou supportée par le sujet, soit un état ou une manière d’être du sujet

  2. Il est variable en fonction du nombre, du temps, de l’aspect, du mode, de la voix.

  3. Le verbe est le mot clé d’une phrase ou d’une proposition (le pivot).

Laquelle de ces trois définitions choisir ? Cela dépend de l’objectif visé, la première se base sur une approche sémantique, la deuxième est morphologique et la troisième est syntaxique. Si l’on veut permettre à l’élève de savoir reconnaître un verbe conjugué dans un énoncé, la deuxième est la plus efficace. En effet, il suffit de lui faire remarque qu’en français, le verbe se distingue des autres parties du discours par le fait qu’il est le seul à prendre des marques de personnes (je/nous ; tu/vous ; il-elle/ils-elles). Le verbe (quand il est conjugué) est la seule partie du discours à supporter une transformation du type :

Je décidais de partir. [nous]→ Nous décidions de partir.

La définition sémantique  : elle n’est pas propre aux verbes puisque les noms peuvent exprimer une action, exemple : Le décollage de l’avion s’effectua sans aucun problème. Le mot décollage exprime ici une action de manière plus perceptible que le verbe effectuer. De même les adjectifs qualificatifs expriment la manière d’être du nom auquel ils se rapportent ; les noms dérivé des adjectifs ont aussi cette capacité : gentil → la gentillesse.

La définition syntaxique  : nous l’avons évoqué plus haut, elle ne s’applique qu’aux phrases verbales. De plus, si sous le mots « pivot » on entend « qui est au centre de », le verbe est au « centre » de la phrase déclarative, mais elle est au début d’une phrase interrogative par inversion du sujet, il peut même se trouver en fin d’énoncé : Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai

Sur le plan pédagogique je propose donc une entrée morphologique, les aspects sémantiques et syntaxiques ne seront abordés qu’une fois que les élèves sauront identifier les verbes conjugués. Ainsi, la catégorisation en verbes d’état / action sera construite dans un deuxième temps, puis on classera les verbes en fonction de leur construction syntaxique (nombre de compléments …).

Remarque complémentaire 

Il faut aussi retenir que le verbe a cette particularité d’être polymorphe :

* sous sa forme infinitive, il a tout d’un nom :

 - il peut être sujet : Le déjeuner fut servi dans le jardin. Partir est un déchirement

- il peut être complément du nom : un travail à finir

- il peut être complété : boire à la bouteille

- …

* sous sa forme participe (employée seule), il a tout d’un adjectif qualificatif, il s’accorde en genre et en nombre :

- participe passé : les choses lues

- le participe-présent (ou adjectif verbal) : une spectacle éblouissant, une fête éblouissante.

Bizarrerie de la langue : on note une différence ente adjectif et participes, « béni » (participe passé) pain béni // époque bénie et « bénit » (adjectif) pain bénit // eau bénite

* le gérondif (participe-présent avec « en ») est invariable, c’est la forme adverbiale du verbe : il peut être complément : En regardant, il a compris que ….


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