Système, norme et usage

lundi 20 octobre 2008
par  Jean-Pascal SIMON

Les langues, sont des constructions humaines (Cf. article Langue) et en cela elles n’ont pas une régularité « absolue » et si l’on peut dire qu’un énoncé comme « *Ils regarde les chevau » comporte des erreurs, bien souvent l’usage admet de la variation dans les performances langagières. Par exemple, doit-on écrire « ognon » ou « oignon » ? Si la réforme de l’orthographe de 1990 a tranché : la graphie « normée » est désormais « ognon » et la graphie « oignon » reste tolérée, cette fixation d’une norme est problématique puisque, sur le plan de la prononciation la France est coupée en deux : les régions où l’on prononce [wanjõ] « oi-gn-on » et celles on prononce [onjõ] « o-gn-on ».

Il faut donc considérer que les usages d’une langue englobent :

 

a) le système  : on dit qu’une langue est un système de signes. Cette notion de système renvoie à deux idées, tout d’abord qu’une langue est constitué d’une ensemble organisé d’unités (phonèmes, lexèmes …) et d’un ensemble de règles permettant de les combiner Par exemple, en français, le pluriel des noms est marqué par un suffixe particulier : « -s » le plus souvent et plus rarement « -x », « -aux » ... La règle est donc qu’il faut mettre un « -s » au pluriel. Mais même sur cet exemple simple, nous voyons que la notion de système a ses limites et qu’il faudrait plutôt parler de systèmes (au pluriel), qui parfois se font de la concurrence.

b) la norme  : c’est le « bon usage » défini par un groupe social, généralement dominant. Ce « bon usage » est vécu de manière particulièrement forte en France, cela est, en partie dû, à la Révolution Française de 1789 qui marque le début d’un mouvement visant à ne faire exister, sur le territoire français, une langue « unique » le français. L’identité française se construisant autour du triptyque : un territoire, une langue, un peuple. Dans la réalité de nombreux usages régionaux, sociaux … se sont maintenus.

Quand on prend en compte les usages, on adopte un point de vue plus large. En effet, il y a des usages non normés, (voir l’exemple plus haut) et ily en a beaucoup qui ne sont pas toujours « normables ». Que faut-il dire (ou écrire) : « L’ensemble des gens pense que … » ou « L’ensemble des gens pensent que … ». Les relations entre système, norme et usage peuvent être envisagées de diverses façons :

Généralement on place le système est au centre, c’est en quelque sorte le « noyau dur » de la langue. Autour de ce « noyau dur » ressenti comme une réalité intangible il y a la norme qui est alors un ensemble de prescriptions qui tendent à organiser les éléments de la langue qui ne sont pas régis par le système. Par exemple pour s’adresser à quelqu’un que l’on ne connaît pas, que l’on considère comme supérieur … on emploie, en français la forme « vous ».

Figure 1 : Usage, norme et système

Enfin, et nous en faisons l’expérience tous les jours, un certain nombre de productions orales ou écrites qui respectent ou qui ne respectent pas la norme, il s’agit alors des usages. L’usage c’est donc l’ensemble de ce qui se dit ou s’écrit, sans rejet ou jugement de valeur. C’est un champ important dans les recherches sur la langue et le langage, l’objectif est non seulement de les décrire mais aussi de comprendre leur fonctionnement. Ces linguistes ont une vision tout autre du rapport entre système, norme et usage. Pour ceux-ci, tout usage : normé ou non, est descriptible en terme de système. C’est à dire qu’aucun fait de langue n’est dû au hasard, mais met en œuvre une règle que le « bon usage » n’a pas retenu.ils proposent alors une représentation comme suit :

 

 

Figure 2 : les usages comme manifestations du système

 

C’est un peu ce que l’on rencontre dans un énoncé du type « l’animal se cache dans son abrit », le mot « *abrit » n’est pas une forme normée, n’empêche qu’elle est cohérente par rapport au système des consonnes finales à valeur dérivative : petit → petite, gros → grosse … Le mot blanc donne le blancheur et noir, le noirceur, mais que dire de la qualité de quelque chose qui est gris … le *griseure ? On voit bien que le système permet bien des formes qui ne sont pas reconnues comme normées.

 

Sur le plan pédagogique :

 

On retiendra le première modèle, tout en sachant qu’un autre existe. En effet, la finalité première de l’enseignement de la langue française est de permettre à tous les élèves d’acquérir la norme même si (et d’autant plus) les usages auxquels ils sont confrontés échappent à cette norme. Il faut donc distinguer un enseignement de la norme et une étude des usages

 

  • Dans le premier cas, il s’agit de découvrir et d’apprendre des règles pour les appliquer,

  • dans le second de réfléchir sur des productions en s’interrogeant, par exemple, sur l’effet produit … mais une telle réflexion n’est possible que si les élèves connaissent d’abord la norme (ou les normes, les registres de langue).

L’enseignement de la norme est donc une étape qui précède nécessairement l’étude des usages.

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